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Littérature

16 juillet 2013

Romain Seignovert - Les Meilleures blagues de Toto à travers l’Europe

 

rsAncien élève de la filière intégrée franco-allemande de Sciences Po Rennes et de l’Université catholique d’Eichstätt-Ingolstadt, puis de l’Université de Salamanque en Espagne, Romain Seignovert vit actuellement à Bruxelles, où il travaille auprès d’une filiale du groupe Publicis. Passionné par la culture européenne, il a fondé l’an passé le site «Europe is not dead» (europeisnotdead.com). Après avoir reçu le prix de l’Européen du mois en août 2012, Romain Seignovert vient de publier un livre amusant qui explore l’identité et les cultures populaires du Vieux Continent à travers… les blagues de Toto !

Rappelons d’emblée que Toto n’est en aucune façon une spécificité nationale. Il n’est pas le seul cancre en Europe, loin s’en faut. Chaque pays possède son plaisantin national. Insolite, le présent ouvrage invite à s’imaginer une grande cour de récréation européenne, dans laquelle seraient réunis tous ces jeunes farceurs. S’y côtoieraient notamment Little Johny le ''bad boy'' britannique dans son uniforme scolaire propret, les cousins germains Fritzchen et Klein Erna vêtus de leurs costumes folkloriques qui deviseraient en allemand, l’antihéros suédois Bellman qui jouerait de bien vilains tours à ses compagnons danois et norvégiens ainsi que tous les autres plaisantins d’Europe. A n’en pas douter, la situation serait explosive : malheur au surveillant !

Avec ce voyage au cœur de l’humour parfois corrosif des différents pays d’Europe, le lecteur apprend mille et une choses. Par exemple, c’est dans les années 1830 que «Toto» fit son apparition en tant qu’expression familière pour interpeller ses proches sur le mode «salut mon Toto». Les blagues à propos du cancre Toto se généralisèrent à partir de la IIIe République. En Roumanie, Bulă fait partie des «personnalités» les plus appréciées. Il fut souvent utilisé pour tourner en ridicule Nicolae Ceaușescu. Après la chute du communisme, les Roumains donnèrent naissance à Alinuța, une sadique gamine de dix ans désenchantée par les dérives du capitalisme triomphant.

Rafraîchissant, l’ouvrage abonde en anecdotes plus rigolotes les unes que les autres. Qui a dit que l’Europe était ennuyeuse ?

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2 juillet 2013

Bernard Oudin - Défendre ! Les ténors du barreau de la Révolution à nos jours

boAprès avoir publié Le Crime. Entre horreur et fascination, paru en 2012 chez Gallimard, ainsi qu’Histoires de Londres et Histoires de Berlin chez Perrin, Bernard Oudin vient d’écrire Défendre !, un ouvrage d’histoire sur les avocats depuis la Révolution française. L’auteur étudie ici la relation qui lie le défenseur à son client, aux magistrats, aux jurés, aux médias et aussi parfois aux autres défenseurs. Il passe en revue tous les cas de figure et s’intéresse par ailleurs à l’affrontement ainsi qu’aux diverses techniques de défense.

Pour ce faire, Bernard Oudin se penche dans un premier temps sur la (très longue !) histoire de la profession d’avocat. Bien que l’institution soit l’un des fondements de la civilisation occidentale, elle a souvent été accablée de reproches et de moqueries. Ceux-ci n’ont guère évolué depuis lors. Ainsi qu’il le rappelle d’emblée, les avocats officiaient déjà sous l’Antiquité. L’auteur retrouve par exemple la trace d’avocats et de logographes dès le Ve siècle avant Jésus Christ, même si la forme divergeait quelque peu de ce qui se fait de nos jours. Toutefois, le contentieux des affaires civiles traitées par les tribunaux athéniens ressemblait énormément à celles d’aujourd’hui.

Avec Rome, l’avocat (advocatus) prit une forme tout à fait analogue à celle qu’il a de nos jours. Cicéron, qui connut la politique, fut l’un d’entre eux au Ier siècle avant Jésus Christ. Il plaidait souvent face à des rivaux de renom, tels qu’Hortensius par exemple. Les rapports entre les hommes de loi et leurs clients étaient probablement similaires à ce qu’ils sont aujourd’hui. Quintillien expliquait au Ier siècle après Jésus Christ que «la plupart des clients mentent devant leur avocat comme s’ils plaidaient devant un juge…». De nos jours, les avocats et les procès ne manquent pas de susciter l’intérêt. Même s’ils sont régulièrement critiqués, leur office est absolument nécessaire dans tout Etat de droit. Celui-ci repose notamment sur le fait que tout accusé a droit à un procès loyal et à l’assistance d’un avocat.

A la suite de ce détour historique sur les racines et les lignes forces de l’évolution de la profession d’avocat, Bernard Oudin invite le lecteur à parcourir une galerie de portraits, dans laquelle le défenseur de Louis XVI Malesherbes côtoie des pairs aussi prestigieux que Labori, Moro-Gaffieri, Isorni, Floriot, Lombard, Vergès et Badinter. Léon Gambetta est, lui aussi, présenté. Son parcours fut exceptionnel : sa brillante plaidoirie au cours d’un procès éminemment politique (il défendait M. Delescluze) se transforma en réquisitoire contre le Second Empire, ce qui le fit connaître et le poussa à délaisser le prétoire pour les joutes politiques.

En cela, il suivit les traces de ces glorieux prédécesseurs révolutionnaires (Mirabeau, Robespierre, Danton, Vergniaud, Barnave, Barère, Pétion, Lindet, Desmoulins, Roland… La liste pourrait sans peine être démultipliée tant les hommes de loi étaient nombreux parmi les représentants !). Toutefois, même si les avocats sont encore nombreux en politique, leur nombre a considérablement décru sous la Ve République.

A lire !

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25 juin 2013

Hélène Carrère d'Encausse - Les Romanov. Une dynastie sous le règne du sang

hceHistorienne de la Russie, Hélène Carrère d'Encausse est membre de l'Académie française depuis 1991. En 1999, elle fut élue secrétaire perpétuel. Pour ses différentes œuvres, elle reçut diverses distinctions, telles que le prix Aujourd'hui pour L'Empire éclaté (Flammarion, 1978), le prix Louise Weiss (1987) et le prix Comenius pour l'ensemble de son œuvre (1992). Sa biographie de Nicolas II (Fayard, 1996) a obtenu le prix des Ambassadeurs en 1997. Hélène Carrère d'Encausse a en effet publié de nombreux ouvrages, comme notamment La Gloire des nations (Fayard, 1990), Victorieuse Russie (Fayard, 1992), Le Malheur russe (Fayard, 1988), Lénine (Fayard, 1998), Catherine II (Fayard, 2002), L'Impératrice et l'abbé (Fayard, 2003), L'Empire d'Eurasie (Fayard, 2005) et Alexandre II. Le printemps de la Russie (Fayard, 2008). A la suite de cette série d'ouvrage sur l’histoire de la Russie, l’Immortelle vient de consacrer une nouvelle et belle étude sur Les Romanov. Une dynastie sous le règne du sang, récemment parue chez Fayard.

En 1613, après des nombreux siècles tragiques durant lesquels le pouvoir était transmis ou conquis par le meurtre, débuta en Russie le règne des Romanov, une famille russe originaire de Lituanie. La douma des boyards élit Michel Romanov. Pourtant, âgé de dix-sept ans, ce jeune homme savait à peine lire ! On retrouve l’un de ces ancêtres en la personne d’Andreï Ivanovitch Kobyla ou Kambila, lequel était le fils d’un prince lituanien qui se réfugia en Russie et se convertit au christianisme au milieu du XIVe siècle.

La famille des Romanov doit son nom à Roman Iourevitch, dont la fille épousa Ivan le Terrible en 1547. Après une vive opposition à Boris Godounov, puis à Vassili Chouiski qui exercèrent successivement le pouvoir suprême, les Romanov réussirent finalement à accéder au trône de Russie. Les descendants directs ou indirects de Michel Romanov restèrent au pouvoir pendant plusieurs siècles. Ils dirigèrent un empire absolument immense, à cheval entre l’Europe et l’Asie. Ce fut la révolution d’octobre 1917, grâce à laquelle les Bolcheviks s’emparèrent du pouvoir suprême, qui mit un terme au règne des Romanov.

De cette dynastie ô combien brillante, l’historienne retient notamment trois figures spécialement éminentes : Pierre le Grand, Catherine II et Alexandre II. Ceux-ci comptent en effet parmi les plus hauts personnages de l’histoire. Ils permirent à la Russie de devenir une très grande puissance européenne, puis mondiale. Tour à tour, ils s’efforcèrent de moderniser l'empire. Pierre créa l'État et soumit le clergé, alors que Catherine II rapprocha la Russie des idées des Lumières. Alexandre II supprima quant à lui le servage, réforma le système judiciaire et créa des institutions représentatives au sein des provinces. Le tsar décida également la conscription obligatoire.

Cet ouvrage n’est pas un livre d’érudition, mais plutôt une synthèse et une réflexion d’excellente facture sur les torrents de sang qui n’eurent de cesse de maculer le trône des tsars russes. Les spécificités de la Russie expliquent-elles, à elles seules, la violence ininterrompue dont elle fut le triste théâtre pendant des siècles ? Le destin tragique de cette dynastie était-il en quelque sorte programmé par son passé ? Le communisme soviétique, dont la capacité à durer et la violence furent tout à fait exceptionnelles, peut-il être compris comme une sorte de point d’aboutissement de l’histoire russe ?

C’est à ces questions qu’Hélène Carrère d’Encausse s’efforce de répondre dans cet ouvrage éclairant et magistral. A lire !

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18 juin 2013

Colette Beaune - Le Grand Ferré

cbUniversitaire et médiéviste mondialement reconnue, traduite aux États-Unis, au Brésil et au Japon, Colette Beaune est l'auteure de nombreux ouvrages de référence. Pour l'ensemble de son œuvre, elle a reçu en 2012 le Grand Prix d'histoire de l'Académie française (Grand Prix Gobert). Elle a récemment écrit et publié Le Grand Ferré. Premier héros paysan (Perrin).

Après son ouvrage sur Jeanne d’Arc, l’historienne Colette Beaune continue de revisiter le «roman national» français, puisqu’elle vient de livrer un fort bel ouvrage sur le Grand Ferré. La postérité n’est parfois pas clémente avec les héros les plus méritants : s’il était une figure incontournable sous la IIIe République, bien connue de tous les élèves, il a progressivement sombré dans l’oubli.

Pourtant, Jules Michelet tenait le Grand Ferré pour un «paysan d'une force de membres incroyable, d'une corpulence et d'une taille énormes, plein de vigueur et d'audace, mais avec cette grandeur de corps, ayant une humble et petite opinion de lui-même». En pleine guerre de Cent Ans, durant l’été 1359, seulement armé d’une hache et de sa vaillance, cet étonnant Picard repoussa victorieusement une troupe de soldats anglais menaçant son village et l’abbaye de Saint-Corneille dans les environs de Creil.

S’il ne s’agit en aucun cas de batailles décisives, la Chronique dite de Jean de Venette retraça les lignes forces de ces affrontements. L’épisode fut occulté en raison de la tendance de l’historiographique médiévale à délaisser les faits d’armes réalisés par des héros de basse extraction. Après une éclipse de quelques siècles, le Grand Ferré reparut au XVIIIe siècle sous la plume de Velly et Villaret, puis de Claude Varlier, avant que Jules Michelet s’en empare.

Ce qui fit tache d’huile, puisque les manuels abordant le cas du Grand Ferré se multiplièrent. Les jugements portés à son encontre aussi. Alors que d’aucuns considéraient qu’il s’était sacrifié pour la patrie, pour d’autres il incarna la naissance du sentiment national que Jeanne d’Arc allait matérialiser. Représentant le refus de l’envahisseur après la défaite face à l’Allemagne bismarckienne, son utilisation prépara les jeunes Français à la nécessaire revanche. Mais son souvenir s’effaça après la Seconde Guerre mondiale. On dit toutefois que Goscinny s’en inspira pour la bande dessinée Astérix et Obélix.

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11 juin 2013

François Kersaudy - Les Secrets du IIIe Reich

FkProfesseur d’histoire contemporaine, François Kersaudy est un spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, à laquelle il a consacré de très nombreux ouvrages. Il est l’auteur de remarquables biographies dédiées à Churchill, Goering et Mountbatten. François Kersaudy a également publié un livre sur les relations entre de Gaulle et Churchill. Directeur de la collection «Maîtres de guerre» chez Perrin, il vient d’écrire un ouvrage sur les secrets du IIIe Reich.

Érudit, cet ouvrage n’entend pas faire table rase de tout ce qui a pu être écrit au sujet du IIIe Reich ni livrer au lecteur des révélations aussi sensationnelles qu’invérifiables, mais il s’agit plutôt de revisiter certains épisodes de l’histoire tragique du IIIe Reich. A chaque fois, l’historien s’interroge sur ce qui est avéré, sur ce qui est éminemment douteux et sur ce qui est probablement fictif. Très fréquemment, la réalité dépasse la fiction… Celle-ci est souvent plus passionnante que n’importe quelle extravagance.

A l’évidence, en dépit de l’impressionnante littérature qui leur est consacrée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il reste encore quelques secrets à éventer à propos d’Adolf Hitler et des Nazis. Florilège : pourquoi le Führer s’est-il évertué à dissimuler ses origines, l’idée fixe allant notamment jusqu’à détruire les villages d’origine de ses aïeux ? Pourquoi avoir supprimé les SA à l’occasion de la Nuit des longs couteaux ? A quel point la santé personnelle d’Hitler a-t-elle influé sur le cours de la guerre ? En huit chapitres d’excellente facture, l’historien fait la lumière sur nombre de poncifs concernant le IIIe Reich.

Le thème des origines des Hitler est évoqué par l’auteur. Nombre de rumeurs coururent en effet sur ses possibles aïeux juifs et slaves. Sa grand-mère paternelle, Maria Schicklgruber, fut servante chez les Rothschild à Vienne, puis chez les Frankenberger, autre famille juive, tandis que sa grand-mère maternelle était quant à elle d'origine tchèque et donc slave. On ne peine pas à saisir l’embarras du tragique thuriféraire de la race aryenne… Pour se prémunir de toute attaque à ce propos, il fit détruire toute trace de ses origines.

Par ailleurs, contrairement à ce que d’aucuns ont pu affirmer à propos de Jean-Marie Loret, on apprend qu’Adolf Hitler n’eut jamais de fils français, lequel aurait été le fruit de ses amours de la Grande Guerre, durant laquelle l’armée allemande occupa une partie du nord de la France (J.-M. Loret et R. Mathot, Ton Père s'appelait Hitler, éditions de l'Université et de l'Enseignement moderne). François Kersaudy mentionne également l’insolite thèse d’Hermann Rauschning selon laquelle le Führer aurait été médium, ce qui aurait facilité son ascension et ses criminelles entreprises.

A propos de l’amiral Canaris, l’auteur le présente comme un implacable résistant au cœur de la terrible machine nazie, lequel s’est souvent heurté à la Gestapo. Certes ses faits d’arme ont souvent été sous-estimés, mais il conviendrait de revoir à la hausse sa contribution, notamment dans le cadre de l’action d’Oskar Schindler. D’aucuns le considèrent même comme un Juste. C’est notamment le cas du rabbin Lipschitz. Parmi les autres héros du Reich, François Kersaudy songe aussi à Felix Kersten, le thérapeute d’Himmler, qui permit de sauver nombre de vies en échange des soins qu’il dispensait au dignitaire.

Un ouvrage passionnant, à lire !

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4 juin 2013

Jean Delumeau - La Seconde gloire de Rome. XVe-XVIIe siècle

jdProfesseur honoraire au Collège de France, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, Jean Delumeau a consacré beaucoup de ses travaux à Rome. Il est par ailleurs l’auteur de nombreux ouvrages, tels que Le Péché et la Peur : la culpabilisation en Occident, Une histoire du paradis et Le Christianisme va-t-il mourir ? Il vient d’écrire La Seconde gloire de Rome. XVe-XVIIe siècle, récemment paru aux éditions Perrin.

En 324 de notre ère, l’empereur romain Constantin transféra la capitale de l’Empire en Orient. La ville prit son nom pour devenir Constantinople, l'actuelle Istanbul. Alors que Rome fut le centre de l’univers pendant plus de quatre siècles, la ville éternelle connut un très long déclin d’un millénaire. Certes le pape y siégeait, mais cela ne parvint point à empêcher cette chute, qu’accentua le Grand Schisme de 1417. A cette époque, la cité papale était en ruines. Elle comptait vingt fois moins d’habitants que mille ans plus tôt.

Cependant, Rome fit l’expérience d’un surprenant regain de fortune quelques deux siècles et demi plus tard. La ville rayonnait alors d’une splendeur incomparable à travers tout l’Occident. Elle connut alors une seconde gloire, dans la plus parfaite continuité de son âge d’or antique. Pour y parvenir, les papes multiplièrent les efforts. Ils dévoilèrent des trésors d’énergie et de ténacité pour rendre à la ville tout son lustre et concourir à sa résurrection. Ce fut une œuvre gigantesque, de très longue haleine.

L’ouvrage de Jean Delumeau ne vise pas à entreprendre «un récit complet de l’histoire de Rome entre le milieu du XVe siècle et celui du XVIIe siècle». Il s’agit en réalité d’«une réflexion historique sur la remontée spectaculaire d’une ville qui semblait moribonde», mais qui redevint la ville la plus brillante d’Occident. L’auteur entend «faire comprendre les raisons et les moyens par lesquels ce redressement spectaculaire devint possible et se réalisa contre toute attente et en dépit d’obstacles de tout genre : financiers, religieux, militaires et politiques».

Grâce à une politique papale excessivement ambitieuse, le village romain passa de 20.000 à 100.000 habitants en l’espace de quelques 150 ans, rien de moins ! Pour concurrencer efficacement la Réforme protestante, la ville éternelle se devait de faire bonne figure. C’est ainsi que Rome se dota de monuments, de grandes artères et d’un formidable réseau d’eau potable. Le visage de la ville se transforma très sensiblement. Pour ce faire, explique l’historien Jean Delumeau, les papes n’eurent de cesse d’accaparer les moindres parcelles de pouvoir et d’en faire bénéficier leurs proches. Il s’agissait, in fine, de surmonter les divisions qui affaiblirent tant l’Eglise et, par suite, la cité romaine. A cette fin, les papes guerroyèrent, punirent les villes rebelles et s’emparèrent de leurs trésors. Bref, assez paradoxalement, le népotisme et la concentration des pouvoirs eurent d’évidents avantages.

Toutefois, le «superbe lever de soleil» que fut la Révolution française (Hegel) mit un terme à cette seconde gloire, laquelle devint «un grand chapitre d’une histoire désormais révolue». La cité romaine dut alors s’efforcer de rester «une capitale religieuse de rayonnement mondial, mais en s’appuyant le moins possible sur les richesses et pouvoirs d’ici-bas».

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28 mai 2013

Pierre Servent - Von Manstein. Le stratège du IIIe Reich

psHistorien militaire et spécialiste des conflits contemporains, Pierre Servent a enseigné pendant vingt ans à l’Ecole de guerre. Colonel de réserve, il est actuellement consultant militaire de France 2. Il collabore en outre avec une pléthore de médias écrits et audiovisuels. Pierre Servent est aussi l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, tels que Le Mythe Pétain, Les Guerres modernes et Le Complexe de l’autruche. Pour en finir avec les défaites françaises. Il vient de publier une étude sur Erich von Manstein (1887-1973), récemment parue chez Perrin.

Bien écrit, accessible à tout un chacun et précis, l’ouvrage comble, avec bonheur, les lacunes historiographiques existant autour du maréchal Erich von Manstein, personnage pourtant éminemment central de la Seconde Guerre mondiale et du IIIe Reich. En effet, en langue française, les livres qui lui sont directement consacrés ne sont pas légion puisqu’il fallut attendre 2006 pour que la première étude fut publiée (B. Lemay, Erich von Manstein : Le stratège de Hitler, Perrin).

Cette situation est d’autant plus surprenante que le IIIe Reich hitlérien lui doit le Blitzkrieg et plus spécialement le plan d’invasion de la France, grâce au fameux et diabolique coup de faux par le sud - de Sedan à la Manche, puis vers Dunkerque - qui enveloppa le gros des troupes françaises et britanniques et, ce faisant, posa les jalons de la défaite… Paradoxalement, explique Pierre Servent, le prussien Erich von Manstein n’était pas à la manœuvre.

C’étaient en effet Rommel et Guderian qui s’en chargèrent, avec la redoutable efficacité que l’on sait. Le stratège ne put mettre en place et appliquer son plan en raison des très vives préventions du Führer à son égard, lequel l’affecta sur un autre théâtre d’opération. Hitler se méfiait énormément du Junker et plus généralement des aristocrates prussiens. Néanmoins, le maréchal von Manstein se distingua lors de la prise de la forteresse de Sébastopol ainsi qu’à Kharkov et à Koursk.

Cependant, en dépit de ses retentissants faits d’arme, Erich von Manstein fut fort fréquemment tenu à l’écart, puis finalement exclu au profit d’officiers nettement moins géniaux et doués que lui. Les bruits concernant ses possibles origines juives ne jouèrent probablement pas en sa faveur. Toutefois, en raison de son amour de l’ordre et de la discipline, il ne prit point part au complot des officiers de l’été 1944. L’anticonformisme et l’iconoclasme du maréchal trouvèrent ici leurs limites les plus évidentes et les plus infamantes.

Après la capitulation sans condition de l’Allemagne, Erich von Manstein fut lourdement condamné à quelques dix-huit ans d’emprisonnement. Il dut donc faire de la prison, avant de revenir aux affaires en conseillant le chancelier Konrad Adenauer pour l’organisation de la Bundeswehr. Il fut en effet libéré en mai 1953. Le contexte de guerre froide et la volonté d’endiguer le communisme lui profitèrent indéniablement. Les honneurs militaires lui furent rendus lors de son inhumation…

Agrémenté de photographies, cet ouvrage est une très belle réussite !

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8 mai 2013

Richard Pipes - Histoire de la Russie des tsars

rpProfesseur émérite à l’Université Harvard aux États-Unis, Richard Pipes est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire russe et soviétique. En 1974, il écrivit une Histoire de la Russie des tsars, ouvrage qui vient de faire l’objet d’une traduction en français de la part d’Andreï Kozovoï, maître de conférences à Lille-3. Le résultat de ce travail vient d’être publié aux éditions Perrin.

Cette brillante et fine traduction vient combler une lacune : les ouvrages parus en France sur l’ancien régime russe ne sont pas légion, c’est le moins que l’on puisse dire. Si naturellement il existe des manuels, il manque toutefois un ouvrage de référence qui soit un véritable essai de réflexion stimulant. La traduction de l’opus magnum de Richard Pipes est donc d’un apport inestimable à la compréhension de l’histoire russe en France.

Ainsi que l’explique d’emblée l’auteur, l’Etat russe d’ancien régime avait un caractère éminemment patrimonial, les tsars considérant posséder les terres et les habitants qui y vivent. La faiblesse des corps sociaux russes explique que la direction du pays fut si peu disputée à l’Etat. L’émancipation des serfs ne brisa pas véritablement l’isolement des paysans. L’aristocratie était, quant à elle, trop inféodée à la monarchie pour s’en distinguer véritablement. Sa relative pauvreté et son manque de cohérence interne la desservaient. L’Eglise ne put pas non plus s’opposer aux menées de l’Etat.

Toutes ces couches sociales avaient donc intérêt à soutenir l’Etat patrimonial des tsars russes. Seule l’intelligentsia russe aspirait à des évolutions majeures. Pour contrer la subversion organisée par l’intelligentsia, les tsars développèrent l’Etat policier. Il s’agissait bel et bien de défendre le statu quo. Les progrès de l’instruction constituèrent donc un évident danger pour l’Etat russe. Il en allait de même de l’extension des universités, des cercles de réflexion et des revues. L’Etat s’efforçait de noyauter tout ceci, afin de garder un contrôle aussi efficace que possible sur la société russe. A cet effet, les tsars s’évertuèrent aussi à mettre en coupe réglée les gouvernements locaux, ce que l’on n’appelait point encore la verticale du pouvoir.

A en croire l’auteur, la Russie des tsars constitua un terreau excessivement favorable au développement du bolchévisme et du totalitarisme, qui fit suite aux Révolutions de 1917. Les nouveaux maîtres de la Russie ne purent jamais faire table rase du passé tsariste et régénérer totalement le pays. Au contraire, ils profitèrent de toutes ces tendances pluriséculaires, qui allaient dans le sens d’un affermissement de leur pouvoir. Selon Richard Pipes, il existait une véritable continuité entre les États tsariste et soviétique, et ce en dépit de tous les poncifs véhiculés à propos de la révolution marxiste-léniniste.

Un bel et érudit ouvrage d’introduction à la riche et complexe civilisation russe !

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3 mai 2013

Olivier Bouzy - Jeanne d’Arc en son siècle

obDocteur en histoire médiévale, Olivier Bouzy est membre du Centre Jeanne d’Arc à Orléans depuis 1988. Elève du professeur Contamine, il s’est concentré sur l’étude de la gestion économique de la guerre au Moyen Age et l’histoire de Jeanne d’Arc. Après avoir consacré un ouvrage à la Pucelle en 1999, il a participé au Dictionnaire de Jeanne d’Arc paru l’an dernier. Olivier Bouzy vient de publier un livre intitulé Jeanne d’Arc en son siècle, récemment paru chez Fayard.

«Cette fille du peuple a été une trouvaille de la démocratie, du peuple prenant la parole (…). Jeanne d’Arc est le fruit de notre temps. Jusqu’à la Révolution, jusqu’à l’envahissement du sol, on n’a pas su ce qu’elle était». C’était ainsi que Maurice Barrès évoquait autrefois Jeanne d’Arc. Si les études et les sources documentaires qui y sont consacrées sont extrêmement nombreuses, voir même surabondantes, «tout n’a pas été écrit sur Jeanne d’Arc» selon Olivier Bouzy.

Le propos de l’auteur est d’autant plus étonnant que la célébrité posthume de cette paysanne illettrée est absolument immense. Les arts, la littérature, la musique, le cinéma, l’historiographie s’efforcent régulièrement de mettre en scène sa trajectoire si peu classique. A cet égard, ainsi que l’écrivait naguère le philosophe Alain, l’histoire de cette figure est à n’en pas douter «la plus belle histoire du monde».

Née vers 1412, de basse extraction, Jeanne provenait de Domrémy en Lorraine. Durant la Guerre de Cent Ans, le ciel lui aurait demandé de porter secours à la France contre les troupes anglaises et bourguignonnes. La jeune femme parvint alors à rencontrer «le roi de Bourges». A cette occasion, Jeanne reconnut Charles VII, alors qu’il s’était dissimulé parmi ses courtisans. Finalement, le roi accepta de lui attribuer quelques troupes. Elle concourra ensuite à la célèbre libération de la ville d’Orléans, laquelle était assiégée depuis des mois. Galvanisés par cette victoire, les Français suivirent la Pucelle et pourchassèrent l’ennemi, remportant d’autres succès encore. Passant de ville en ville, les Français reprirent notamment Auxerre, Troyes et Reims, où le monarque put enfin être sacré, conformément à la volonté de Jeanne.

Mais l’étoile de la Pucelle commença à pâlir : elle fut d’abord blessée, ensuite contrainte au retrait, puis capturée par les Bourguignons qui la livrèrent aux Anglais. Jeanne fut jugée à Rouen, où l’évêque de Beauvais mena une sorte de procès politique avant l’heure. Jeanne fut brûlée vive sur la place du Vieux-Marché en 1431. Réhabilitée par le pape en 1456, Jeanne fut béatifiée en 1909 et canonisée en 1920.

Si les lignes forces de la vie de la Pucelle sont connues, elle est toutefois nimbée d’un évident mystère qu’aucune œuvre n’est parvenue à dissiper entièrement. De surcroît, Jeanne d’Arc fait l’objet de récupérations récurrentes de la part des politiciens de tous bords. A cet égard, Maurice Barrès affirmait avec une surprenante clairvoyance qu’«il n’y a pas un Français, qu’elle que soit son opinion religieuse, politique ou philosophique, dont Jeanne d’Arc ne satisfasse les vénérations profondes».

Pour saisir au mieux Jeanne d’Arc, Olivier Bouzy rappelle le contexte historique et politique de son action. Il prend le parti de la réintégrer dans le XVe siècle qu’elle a réussi à éclipser et qui a donc été négligé par l’historiographie. Se fondant notamment sur des études récentes portant par exemple sur le prophétisme, la guerre et la société, cette étude donne à la trajectoire de Jeanne d’Arc tout son sens. L’historien médiéviste utilise aussi des archives inédites. Ce faisant, il fait toute lumière sur la paysanne qui contribua à sauver la France. Olivier Bouzy fait revivre Jeanne d’Arc en son siècle. Une perspective extrêmement novatrice !

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20 avril 2013

José-Luis Corral - L'Héritier du temple

jlcHistorien espagnol de renommée internationale, José Luis Corral enseigne l’histoire médiévale à l’université de Saragosse. Il conseilla Ridley Scott pour son film 1492 : Christophe Colomb. Après une kyrielle d’ouvrages, dont El Cid (2007) et La Prisoniera de Roma (2011), l’universitaire ibérique s’est imposé comme l’un des plus grands auteurs de romans historiques. Il a écrit un roman intitulé L’Héritier du temple, dernièrement paru aux éditions HC, qui vient de faire l’objet d’une traduction en français.

Le principal protagoniste de cet érudit roman historique est Jacques de Castelnou, lequel est un orphelin élevé par le compte d’Empuries. Sa mère mourut en effet à sa naissance et son père sombra lors d’une tempête en pleine mer, alors qu’il était parti en croisade pour expier les fautes de sa famille. Un jour, le jeune Castelnou apprend qu'il peut intégrer l'Ordre des Templiers. Il s’y impose tant bien que mal. Ignorant pourquoi il a été choisi par les Templiers, il se rend néanmoins à Saint-Jean-D’acre, où les chevaliers du Christ vivent leurs dernières heures en Terre Sainte, c’est-à-dire là où ils sont nés. La ville est en effet sur le point d’être attaquée (1191).

Assistant à l’élection de Jacques de Molay, Castelnou commence alors à assumer son statut d’élu des Templiers. Guerrier intrépide, fin bretteur, d’une pureté sans faille, le jeune héros sera dès lors de tous les combats, comme par exemple la tentative conjointe des Chrétiens, des Mongols et des Arméniens pour défaire avec l’Islam à la mort de Jacques de Molay sur le bûcher de Philippe le Bel. Celui-ci fut condamné au terme d’un procès injuste, que l’auteur retrace dans de savoureuses pages.

Ensuite, faisant montre d’un courage peu commun, le jeune Castelnou s’engage dans l’armée almogavare afin d’en découdre avec Roger de Flor, le terrible et inique chevalier qui trahit le Temple. Lors de la mise à sac du Temple, Castelnou reçoit une tâche éminemment sacrée : sauver sa relique la plus importante, le Saint Graal. Débutent alors des aventures extrêmement passionnantes. Finalement, le héros parvient tant bien que mal à s’échapper du bourbier moyen-oriental, puis à se réfugier en Espagne et en Aragon.

Un excellent roman historique – nullement aride - s’adressant à tous les publics, connaisseurs ou pas de cette période trouble des croisades. Aux côtés du chevalier Castelnou, le lecteur effectue une distrayante plongée dans l’histoire médiévale. On attend avec impatience les traductions en français des autres œuvres de José Luis Corral. A lire !

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