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Littérature
4 octobre 2011

Y. Ternon - Raspoutine

RaspoutineL’historien Yves Ternon vient de consacrer un très éclairant livre au célèbre Raspoutine (1872-1916). Publié par les éditions André Versaille, l’ouvrage s’intitule Raspoutine. Une tragédie russe et aborde les facettes à la fois multiples et parfois sombres de ce moine et aventurier russe.

Si le nom de Raspoutine a bel et bien traversé les âges, force est de constater qu’il sent indéniablement le soufre, le scandale. En effet, sa personnalité et surtout son influence occulte sur le pouvoir russe ne sont pas sans susciter d’interrogations ou de scepticisme. Cette figure si singulière semble nimbée d’un profond mystère. D’ailleurs, Yves Ternon le présente d’emblée comme «ambigu, homme double, mélange de séduction et d’abjection, à la fois prophète et imposteur, ascète et débauché, généreux et vil, inspiré et stupide».

Paysan illettré, Raspoutine bénéficia rapidement d’une grande réputation de mystique et de thaumaturge. Vers 1905, il fut introduit dans l’entourage de la famille impériale. Fort de ses dons de guérisseur, il aurait guéri le tsarévitch Alexis, lequel était atteint d’hémophilie. Dès lors, la tsarine Alexandra Fédorovna voua une confiance absolue à Raspoutine. Elle alla même jusqu’à le considérer comme un véritable «messager de dieu», rien de moins. Ainsi, comme l’indique l’auteur, Raspoutine apparait comme «un personnage de Dostoïevski brusquement immergé dans un milieu étranger, celui de la société pétersbourgeoise et de la cour impériale».

Raspoutine capitalisa sur les liens étroits qu’il parvint à lier avec la famille impériale. Il profita par exemple de la confiance que lui témoignait la tsarine pour la convaincre «qu’il interprétait pour elle les desseins de dieu et que, tant qu’il demeurerait en vie, elle pourrait contrôler le destin». Toutefois, tempère l’auteur, «ce ne fut pas réellement une imposture : lorsqu’il prophétisait, Raspoutine était sincère et il possédait d’incontestables pouvoirs de guérisseur». Si Raspoutine s’apparente à bien des égards à un illuminé, il n’en demeure pas moins honnête, croyant profondément à ses vaticinations.

L’insolite intrusion de Raspoutine dans la politique de l’empire tsariste ne passa pas inaperçue. A l’époque, ses ingérences furent «perçue[s] comme une anomalie et refusée[s] comme une incongruité». A vrai dire, cette vive défiance n’apparait pas tout à fait anormale : ce moujik voyant et exubérant se mouvait essentiellement dans l’ombre, i.e. dans les salons, les boudoirs, les bains publics et les cabarets. Bref, «là où l’évènement est évoqué par le potin, le ragot, l’allusion, et non transmis par le document». La rumeur porte Raspoutine, elle «le façonne, le transforme, comme le nuage le vent. Elle ne se contente pas de rapporter les faits, elle les fabrique».

Son influence politique finit néanmoins par décroître, notamment en raison de ses orgies avec des femmes de la haute société, lesquelles furent vivement dénoncées par certains hommes politiques éminents. Plus tard, au cours de la Grande Guerre, il fut accusé d’être un agent allemand. Par la suite, les attentats se multiplièrent contre lui, si bien qu’il mourut après avoir été empoisonné, puis achevé de deux coups de revolver.

C’est l’étonnante histoire de cette figure à la fois énigmatique et improbable qu’Yves Ternon raconte dans cet ouvrage.

Retrouvez cet article sur Parutions.

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